Sur le principe des mini-chroniques en pagaille de Light and Smell, voici mon retour sur mes dernières lectures en lien avec le Hanami Book Challenge 2023, centrées sur la littérature japonaise. Plus étoffées qu’un simple commentaire, moins élaborées qu’une vraie chronique, parce que je n’ai pas le temps ou l’envie d’écrire une vraie chronique pour chacun des livres…

Inari-Sama, Les héritiers d’higashi tome 3, Clémence Godefroy, éditions du Chat noir – Cases associées : La femme japonaise, Imaginaire, Religion, Guerre.
Résumé : Les événements se sont précipités depuis l’embrasement du palais des Mille Flammes. Petit à petit, Yin Daisen n’hésite plus à révéler ni son vrai visage ni ses ambitions. D’ailleurs, elle ne semble pas étrangère à la menace qui pèse sur tous les bakemono, une arme redoutable se nourrissant de leur énergie vitale pour apporter la mort et la destruction, dans le seul but d’accomplir un terrible dessein : obtenir le contrôle total d’Higashi. Le temps presse pour les forces rebelles, éclatées dans le pays pour grossir leurs rangs et fédérer un maximum d’alliés. Numié parviendra-t-elle à convaincre son peuple, isolé dans les Monts Shiro et hostile à tout contact avec l’extérieur, à prendre part au conflit ? Ayané comprendra-t-elle enfin le secret de ses origines et la façon de canaliser le pouvoir dévastateur qui l’habite ? Loin dans les îles de la Mer du Sud, les échos d’un monde invisible lui parviennent… Tant de destins incertains dont dépend la survie d’Higashi, berceau des bakemono, voués, si Yin Daisen parvient à ses fins, à tous disparaître.
Mon avis : Un final aux nombreux rebondissements pour cette trilogie de fantasy japonaise où la femme est à l’honneur. L’intrigue est constituée davantage de plusieurs récits en lien avec chaque héroïne que dans les tomes précédents. Pour autant, cela ne m’a pas empêchée de suivre l’histoire qui se déroule dans plusieurs lieux de l’univers dont celui des Tanuki que l’on découvre ici. J’ai noté que les personnages principaux féminins étaient ceux qui évoluaient le plus dans ce troisième tome : Numié rompt avec la tradition de son peuple à plusieurs niveaux et s’efforce de faire accepter son fiancé par des intrigues politiques bien menées; Ayané apprend à se servir autrement de ses pouvoirs, approfondit sa relation amoureuse avec Tadashi et en apprend davantage sur sa mère; Yin Daisen apparaît comme plus machiavélique que prévu tellement sa soif de pouvoir est absolue; Midori révèle une force de caractère supérieure à sa faible constitution physique. Le final est retentissant avec de nombreux rebondissements dont le sacrifice de certains personnages qui m’ont fait verser une larme. Derrière l’histoire de Yin et de Numié, on perçoit une critique des traditions qui tend à rendre les femmes touchées par l’esprit protecteur comme intouchables, de simples génitrices ne pouvant connaître le bonheur du fait de leur statut de perpétuatrice de lignée. Ce thème renvoie à une très jolie critique féministe du statut de la femme dans certaines sociétés du fait de la tradition. Il montre aussi les deux extrêmes possibles : continuer dans cette voie ou la faire sienne avec les conditions que cela implique. Numié devra déployer des efforts de diplomatie pour faire accepter des évolutions de traditions, Yin fera régner la terreur. Côté petit peuple, j’ai aussi beaucoup apprécié les alliances politiques nouées par Yoriko pour pousser tout le monde à s’allier contre les renards, mais à réfléchir également à l’après-guerre et à l’effort de reconstruction. Un sujet rarement abordé dans un roman de fantasy où tout est tourné principalement vers le combat. Les héroïnes auront également des difficultés amoureuses : soit en lien avec leurs pouvoirs, soit leur statut, soit le passé de leurs compagnons. La fin du roman apporte une lueur d’espoir avec un Japon féodal tourné davantage vers l’occident et le Portugal notamment, où les bakemonos apprennent davantage à maitriser leur pouvoir plutôt que de se tourner vers les conflits internes. J’ai trouvé la construction du livre très intelligente et les sujets traités très bien amenés. A noter qu’un lexique sur les termes japonais en lien avec les Bakemonos, les yokais, et les personnages principaux est présent en fin d’ouvrage. L’occasion de s’y retrouver quand on ne maîtrise pas le japonais ou que l’on ne sait plus qui est qui. En résumé : un final de trilogie très soigné qui fait la part belle aux personnages féminins.

La fille de la superette, Sayaka Murata, éditions Denoël – Cases associées : La femme japonaise, Au travail, En ville, Vie de célibataire, Famille.
Résumé : Depuis l’enfance, Keiko Furukura a toujours été en décalage par rapport à ses camarades. À trente-six ans, elle occupe un emploi de vendeuse dans un konbini, sorte de supérette japonaise ouverte 24h/24. En poste depuis dix-huit ans, elle n’a aucune intention de quitter sa petite boutique, au grand dam de son entourage qui s’inquiète de la voir toujours célibataire et précaire à un âge où ses amies de fac ont déjà toutes fondé une famille.
Mon avis : Un court roman qui se veut une critique sociale de la conformité japonaise. Keiko, l’héroïne sait qu’elle a un problème pour s’adapter à la société du fait de sa manière différente de penser le monde. Elle a réglé sa vie autour de son travail à temps partiel au Konbini, ou plutôt c’est le konbini qui règle ses habitudes quotidiennes. Adopter un sourire accueillant, répéter les mêmes phrases aux clients, gérer les rayons et le réassort, anticiper les besoins… elle ne vit que pour l’amour du Konbini, seule constante dans sa vie bien réglée. Proche d’un spectre autistique, elle singe les expressions des autres pour apporter un semblant de normalité et à développer des parades pour se faire accepter de ses collègues comme porter les vêtements d’un même magasin ou critiquer un collègue commun. Avec sa soeur, elle a élaboré des excuses pour ses amies afin de justifier de sa situation de célibataire sans travail correct. Mais tout est ébranlé avec l’arrivée du nouveau vendeur au Konbini, un paresseux de première avec des idées peu progressistes envers les femmes et la volonté de se trouver une épouse quitte à harceler les clientes. Germe alors une idée folle dans la tête de Keiko : pourquoi ne pas se marier avec le nouveau pour offrir au regard du monde un semblant de normalité ? Mais tout ne va pas se passer comme prévu. J’ai apprécié la lecture particulière de ce court roman car il montre à quel point la normalité est une règle au Japon pour être accepté. Le regard de Keiko et sa vision du monde complètement différente pose les bonnes questions : pourquoi une femme doit-elle arrêter de travailler quand elle se marie ? Pourquoi l’homme doit-il subvenir durement aux besoins de sa famille avec la pression que cela impose ? Pourquoi la femme doit elle produire des enfants ? Pourquoi un travail précaire est-il déshonorant ? Et si le nouveau vendeur avait raison ? La société japonaise a-t-elle vraiment changé depuis des siècles ? Est-elle vraiment progressiste ? Autant de questions qui vous donneront une image un peu moins positive du soleil levant ? A côté de cela, l’autrice nous propose une immersion dans la vie des vendeurs de kombini dans les moindres détails. Du jour où les aliments sont périmés, aux promotions, en passant par les phrases d’accueil et la musique d’ambiance, vous ne regarderez plus ces supérettes de la même manière après la lecture de ce livre. En résumé : une histoire avec une héroïne un peu lunaire qui vous fera réfléchir à l’envers du décor de la société japonaise. Ne vous attendez pas à du feel good, on tombe plutôt dans du grinçant intellectuel ici.

Le détective est au bar, Azuma Naomi, éditions Akatombo- Cases associées : La femme japonaise, Au travail, En ville, Vie de célibataire, Sexualité.
Résumé : Celui que ses clients ne connaissent que sous le nom du « détective de Susukino » (le quartier des plaisirs de Sapporo) a son QG dans son bar préféré. Un jeune homme lui demande de retrouver Reiko, sa petite amie étudiante qui a disparu. Le détective découvre que l’affaire est liée au meurtre, dans un love hotel, d’un ancien serveur de maison close et que Reiko a abandonné ses études et se prostitue. D’autre part, il apprend que Monroe, une autre prostituée de ses connaissances, tenait un carnet recensant ses clients. L’un d’eux a subi un chantage.
Mon avis : Une enquête policière tarabiscotée avec un détective particulier. L’histoire se déroule dans les années 80, ce qui ne manque pas de piquant à plusieurs niveaux dont celui de la communication : le héros communique en passant par ses bars préférés pour laisser des messages ou savoir si son informateur peut s’y trouver. On y trouve un détective porté sur la boisson, qui s’habille comme un yakuza même s’il déteste la pègre, et qui a le don de se fourrer naturellement dans des situations pourries du fait de son fort caractère. En plus, il n’est pas très porté sur l’hygiène et a du mal à maintenir des relations sérieuses avec sa « régulière » qui l’attend pour manger pendant tout le récit. Je l’ai trouvé franchement antipathique, et somme toute une sorte de copié-collé du cliché de détective américain, sauce japonaise. Côté intrigue, le petit-ami de la disparue apparaît comme un vrai casse-pied que le détective va plus ou moins ménager. Quand il aura élucidé le mystère, il aura au moins la gentillesse de ne pas lui raconter que sa copine se prostitue. Avec cette affaire, on en apprend beaucoup sur le milieu de la nuit et la facilité avec laquelle les jeunes filles japonaises se prostituent pour gagner un peu d’argent, avec beaucoup de naïveté en arrière-plan. Le meurtre dans le love hôtel et la pègre s’en mêlant, on a un tableau assez réaliste du monde nocturne japonais des années 80. Quant à l’histoire de Monroe, je suis restée sur ma faim. On a l’impression que le détective a un passé avec elle qui n’est pas tout à fait dévoilé ou qui pourrait l’être dans les tomes suivants. J’ai trouvé les deux intrigues entremêlées assez embrouillées. C’était mon premier roman policier japonais des édition Atakombo, j’en ressors un peu déçue. J’essaierai un autre auteur de la collection pour me faire mon idée. En résumé : Un roman policier au parfum nostalgique d’un Japon des années 80 avec un détective dont on a du mal à suivre la logique.

Le mari de mon frère (4 tomes), Gengoroh Tagame, éditions Akata – Cases associées : Famille, Vie de célibataire, Sexualité, A l’école.
Résumé : Yaichi élève seul sa fille. Mais un jour, son quotidien va être perturbé…
Perturbé par l’arrivée de Mike Flanagan dans sa vie. Ce Canadien n’est autre que le mari de son frère jumeau ! Suite au décès de ce dernier, Mike est venu au Japon, pour y réaliser un voyage identitaire dans la patrie de l’homme qu’il aimait. Yaichi n’a alors d’autre choix que d’accueillir chez lui ce beau-frère homosexuel, vis à vis de qui il ne sait pas comment se comporter.
Mon avis : Une série courte de mangas qui aborde avec justesse l’homosexualité masculine au Japon. Au Japon, le mariage entre deux personnes du même sexe n’est pas autorisé. C’est donc avec une grande méconnaissance et quelques préjugés que Yaichi va accueillir son beau-frère canadien, suite au décès de son frère jumeau. Avec son regard d’enfant, sa petite fille Kana va poser les bonnes questions et l’aider à accueillir Mike comme un membre de la famille à part entière. Entre la peur d’être l’objet de désir s’il se ballade en serviette devant le canadien et les commérages du quartier et de l’école, l’auteur nous fait découvrir tous ces petits riens qui montrent la méconnaissance de l’homosexualité par les hétérosexuels japonais. Et surtout la peur de la non-conformité dans une société où tout doit obéir au schéma traditionnel sous peine de rejet. Il y aura le personnage de Mike, étranger en pays nippon, mais aussi celui d’un jeune japonais qui découvre son homosexualité et a peur d’être rejeté par sa famille, ou encore celui d’un Salary man qui cache son désir pour son meilleur ami par volonté de se conformer au système. J’ai particulièrement apprécié la représentation du Tatemae mise en scène par l’auteur à travers une page à deux niveaux : en bas ce que le personnage dit, en haut ce que le personnage pense réellement. En filigramme, on note aussi la question du deuil et du rejet de l’homosexualité du frère décédé : Le héros s’en veut d’avoir laissé partir son frère à l’étranger et Mike a du mal à faire son deuil car Yaichi est le portrait craché de son mari. Une série courte avec une belle leçon de vie, pleine de bienveillance.
Voilà pour mes avis lecture d’aujourd’hui en lien avec le Hanami Book Challenge 2023. N’hésite pas à aller jeter un oeil sur ma PAL concernant ce challenge ou à m’indiquer en commentaire ce que tu as pensé des livres présentés aujourd’hui, si tu les a lus aussi.
Sakura et kimono,
A.Chatterton
Le mari de mon frère, excellente série manga ! J’ai aussi beaucoup aimé Our colorful days du même auteur.
Je n’avais pas accroché à La fille de la supérette, par contre…
Et je note Les héritiers d’Higashi, qui ne me tentait pas jusqu’alors, mais vu ton avis sur le tome final, je pense que je vais me laisser tenter ! 🙂
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Les héritiers dhigashi c’est une saga très bien ficelée avec des héroïnes fortes. J’espère que cela te plaira. La fille de la supérette ne plaît pas à tous, donc je comprends totalement. Merci pour ton commentaire 🙂
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J’ai vu que l’auteur du mari de mon frère avait lancé une nouvelle série toujours sur le thème de l’homosexualité. Je suppose que c’est celle dont tu parles. Elle est dans ma wishlist 🙂
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Oui, c’est celle-ci ! Elle est géniale ! Et une série courte aussi ,ce qui pour moi qui ait du mal à suivre sur la durée les longues séries, est un plus !
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