Enquêteurs du Paris des Merveilles, Pierre Pevel, et alii, éditions Bragelonne.

Retour au Paris des Merveilles, dans le cadre de mon Bingo à Vapeur, avec ce nouveau recueil où d’autres auteurs se sont amusés une nouvelle fois à écrire sur cet univers. Il sera question ici d’enquêtes policières (parfois sans policiers) où les rebondissements et les héroïnes hautes en couleur seront au rendez-vous. Un recueil bien sympathique où j’ai pris plaisir à découvrir de nouveaux aspects de Paris.

Résumé : « Bienvenue dans le Paris des Merveilles, un Paris qui n’est ni tout à fait le nôtre, ni tout à fait un autre… et qui, désormais, n’appartient plus seulement à votre serviteur.
Dans ce recueil, vous découvrirez six nouvelles situées dans le monde du Paris des Merveilles. Je suis l’auteur de l’une d’entre elles, les autres étant l’oeuvre de plumes nouvelles ou confirmées qui ont imaginé avec moi les enquêtes menées – par des policiers, des journalistes et des détectives amateurs ou professionnels – contre la pègre de la capitale… mais aussi de l’OutreMonde. » Pierre Pevel

Mon avis sur le recueil :

C’est toujours un plaisir de retrouver l’univers du Paris des Merveilles et j’avoue même préférer l’interprétation et la créativité des autres auteurs vis à vis de cet univers, plutôt que celle de Pierre Pevel. Ici, comme dans le recueil précédent, Malfaiteurs du Paris des Merveilles, on sent que Pierre Pevel s’essouffle et ne propose plus d’histoire vraiment originale. Il propose de broder encore sur les Artilleuses, alors que la BD se suffit à elle-même.

J’ai apprécié davantage ce recueil car on touche directement au genre latent dans les deux précédents : la nouvelle policière. Ici, il est questions de différents type d’enquêteurs : des policiers, des détectives privés ou des journalistes (et même une magicienne !). Mais ces enquêteurs ont tous une fâcheuse tendance à flirter avec la Loi ou les règles magiques quand ils n’ont pas le choix, voire à travailler avec des truands ou des créatures magiques ! Cela induit une sorte de zone grise pas désagréable.

L’ambiance est à l’égalité car on compte autant d’hommes que de femmes dans les personnages principaux comme chez les auteurices des nouvelles, ce qui est fort appréciable. L’égalité est aussi présente dans au niveau humain et créatures magiques, ce qui est une constante dans l’univers originel de l’auteur.

J’ai regretté le manque de diversité sexuelle ou au niveau de la couleur de la peau des personnages. Mais je suppose que les créatures magiques compensent un peu cela.

Vous y retrouverez également, les thématiques de l’identité, du sexisme et du racisme anti-créatures magiques chères à l’univers, qui sont traités de manière assez judicieuse par les autres auteurs du recueil.

Mes nouvelles préférées restent Chats, crimes et botanique pour son héroïne brut de décoffrage, L’affaire du cirque de la lune pour l’approfondissement du personnage de Cécile de Brescieux et les thèmes abordés, ainsi que Pirouettes et fausse moustache pour son héroïne culottée et le fait qu’il ne s’agit pas d’une vraie enquête au premier abord.

Mon avis sur chaque nouvelle :

Affaire à suivre, Pierre Pevel

Résumé : Joseph Rouletabille, journaliste de renom à L’Epoque, rencontre son ami Maître Gaston Sinclair suite à un télégramme mystérieux autour d’une importante affaire : Les artilleuses, un gang féminin et 100% parisien souhaitent que le journaliste réalise un article sur elles afin de les discréditer de leurs méfaits. Il n’en faut pas plus pour Rouletabille qui va s’embarquer dans une étrange affaire.

Mon avis : On retrouve dans cette nouvelle toute la verve et le style de Pevel avec un fort accent de titi parisien. Il reprend un de ses personnages journalistes de l’auteur Gaston Leroux pour mener une enquête autour des artilleuses. L’enquête sert de prétexte à introduire le gang par le biais d’une nouvelle et à réaliser une forme de préambule à la BD des artilleuses (encore une fois !). Ayant lu déjà la BD, je n’ai pas trouvé l’histoire très originale si ce n’est qu’elle apporte des éléments supplémentaires absents de la version à bulles, sous un autre point de vue. Par ailleurs, le récit est peu palpitant et la fin assez attendue (quand on connaît le caractère des artilleuses). Il est raconté selon trois points de vue : celui de Maître Sainclair qui introduit et clôt le récit, celui de Rouletabille et par l’ajout des articles réalisés par Rouletabille. Cela aurait dû apporter un rythme, mais j’ai trouvé qu’au contraire, cela desservait l’histoire. On est loin dans la nouvelle Sous les ponts de Paris niveau originalité. On sent que l’auteur souhaite parler davantage des artilleuses pour créer des ponts avec la BD, mais personnellement, j’aurais préféré de nouvelles histoires avec ces personnages qui s’écartent de la BD. Il n’y a que les dialogues entre artilleuses qui m’ont arraché un sourire pendant ma lecture. Néanmoins, je souligne la tentative réussie de métatextualité profondément steampunk de l’auteur en introduisant un personnage fictif d’un autre univers littéraire dans le sien. Bref, ce n’est pas pour moi la meilleure nouvelle du recueil, un comble quand l’univers de base a été créé par cet auteur.

L’affaire Montrancy, Sarah Guerreiro-Viseu

Résumé : Léon Baudry, détective privé est amené à enquêter avec son colocataire Augustus Rebroussepoil, un minimet, pour innocenter un Directeur de prison qui a libéré de son plein gré un prisonnier. Le Directeur ne se souvient de rien et aurait peut-être été ensorcelé pour mener à bien sa mission…

Mon avis : Le point de départ de cette nouvelle est le coup classique d’une enquête bâclée par la police et dénouée par un détective. Mais quel détective ! Sans être très original, le personnage de Léon Baudry est assez bien campé et j’ai beaucoup apprécié le voir évoluer au cours de l’enquête. Il passe de vieil ours mal léché jouant à la crapette avec ses amis dans son appartement négligé à un homme prêt à aller de l’avant suite au décès de sa femme. L’autrice nous transporte des beaux quartiers du VIeme arrondissement aux quartiers populaires de La Villette afin de résoudre le mystère. L’histoire est construite comme une poupée russe : l’enquête principale pousse à une seconde puis une troisième avec toujours comme dénominateur commun l’ensorcellement de personnes innocentes. L’image de la police est mise à mal, malgré un personnage secondaire qui aidera l’enquêteur. Les antagonistes ne seront pas ceux que l’on croit. Le Cercle Incarnat sera encore montré comme souhaitant régler ses histoires sans faire de vagues auprès de la police. Une enquête truffée de rebondissements et portée par un détective privé bourru mais charmant qui m’a beaucoup plu.

Chats, Crimes et Botanique, Catherine Loiseau

Résumé : Montmartre, troquet La Vigne Folle, Rita Lefebvre, détective privée lilloise s’ennuie ferme et en l’attente d’un client, se noie dans son verre. Waterloo, un chat ailé (et son associé) lui propose une nouvelle affaire : retrouver un autre chat ailé qui se serait fourré dans des affaires magiques louches. Son frère et sa sœur sont prêts à payer cher pour le retrouver même s’ils n’aiment pas frayer avec les humains, qui plus est sans pouvoirs magiques. N’ayant rien à faire, Rita accepte sans savoir qu’elle va se retrouver mêlée à une enquête plus complexe qu’une disparition…

Mon avis : Quand la personne disparue est un malfrat, on évite de se tourner vers la police et on se tourne vers les détectives privés, plus conciliants avec la loi… Ici, l’enquêteur est une femme assistée d’un chat ailé. Le personnage est encore un personnage haut en couleur : une bonne descente (surtout pour la bière), un langage qui ne sied pas à une dame et une habilité à se fourrer dans des situations compliquées, tel est le portrait de Rita. Ses punchlines dans ses discussions avec son acolyte son hilarantes et on peut dire qu’elle n’a pas sa langue dans sa poche. Elle est l’inverse de Raphaël Deaucourt, le mage qu’elle va rencontrer lors de son enquête, qui apparaît comme quelqu’un de raffiné et réservé. Le rythme de l’enquête est un peu lent à démarrer et l’histoire se découpera en deux parties : une première enquête menée par Rita et Waterloo puis son approfondissement avec l’aide de Raphaël. Ici, les mages et les enchanteresses ne seront pas montrés sous leur meilleur jour et les chats-ailés apparaîtront comme légèrement racistes envers les humains et Paris en général. Comme d’habitude, la police est mise de côté jusqu’à ce qu’on ait vraiment besoin d’elle et les Cercles de magiciens ne souhaiteront pas se mouiller (sauf pour faire respecter les règles). Rita et Raphaël évoluent positivement à l’issue de cette histoire. Ce que j’ai surtout apprécié dans cette nouvelle est le franc-parler de Rita et l’ambiance du quartier de Montmartre présenté par l’autrice, où les crapules côtoient les bonnes gens venus s’encanailler. Un autre point appréciable est l’histoire de l’héroïne, représentative de nombreux parisiens : elle a quitté sa province pour venir faire fortune et se faire un nom à Paris et y connaît des désillusions. C’est toujours vrai de nos jours et dans notre réalité. En bref, une nouvelle à l’accent belge où les chats ailés trempent dans des affaires louches et portée par une enquêtrice au caractère bien trempé.

L’affaire du cirque de la lune, Benjamin Lupu

Résumé : Cécile de Brescieux, magicienne du Cercle Incarnat, dirige un pensionnat dédié aux orphelins d’Ambremer. Ici, chacun est accepté pour sa différence et reçoit une éducation avant d’intégrer le monde extérieur. Mais certains élèves ont soif de liberté, comme la jeune fée-serpent Lyké qui disparaît suite à un stratagème bien étudié. Cécile va alors se lancer à sa recherche sans savoir qu’elle va mettre le doigt sur quelque chose de plus vaste…

Mon avis : Une de mes nouvelles préférées du recueil. On y retrouve le personnage légendaire de Cécile de Brescieux présent dans l’histoire originale du Paris des Merveilles, mais de manière plus étudiée. Celle-ci est campée en Directrice d’un pensionnat qu’elle dirige avec adresse en vue de protéger ses pensionnaires mais aussi de les réconcilier avec le monde extérieur. Intraitable avec ceux qui en veulent à ses élèves, patiente avec ses protégés et soucieuse de leur bien-être, elle ira jusqu’à dépasser les limites pour ramener Lyké au bercail. L’enquête est pleine de rebondissements et encore une fois, les méchants ne seront pas ceux que l’on croit. L’auteur montre les limites de l’ouverture d’Ambremer aux humains : trafic d’êtres magiques, esclavages, goût du pouvoir. Le thème du cirque apporte une touche de Freak tout en remettant en avant le thème de la différence et de l’acceptation de soi et par les autres de sa différence. Lyké fuit mais parce qu’elle souhaite explorer sa nature profonde et ne plus en avoir peur. Malheureusement pour elle, elle tombera sur des gens peu scrupuleux. Le thème de l’adolescence est également abordé avec les choix qui déterminent notre identité et les figures parentales qui s’efforcent d’alerter sur certaines décisions hasardeuses. Une jolie nouvelle qui met en avant le thème de la différence et de l’identité, mêlé à une affaire d’enlèvement et de cirque itinérant.

L’absinthe Pourpre, Adélie Pellarin

Résumé : Anthelme Bertillon, jeune inspecteur à la Sûreté de Paris, essaie de faire ses preuves pour montrer qu’il est digne de son nom. Car son père Alphonse est l’inventeur du système d’anthropométrie judiciaire Bertillon ayant donné lieu à la création de la Brigade d’Identité Judiciaire. Mais l’enquête de meurtre sur laquelle Anthelme travaille est complexe et le jeune homme patauge. Persuadé qu’il travaillera mieux chez lui, il embarque le dossier et une preuve et prend le premier taxi. Mais un accident mêlant la conductrice de taxi à un gang va lui faire perdre dossier et preuves. Et c’est le début des embrouilles pour récupérer son bien sans que ses supérieurs s’en aperçoivent…

Mon avis : Ici, l’autrice joue avec l’Histoire et introduit un personnage associé à la véritable création de la Brigade d’Identité Judiciaire de Paris. Le personnage principal n’est pas très doué pour les enquêtes mais il a de l’énergie à revendre et souhaite ardemment faire ses preuves. Nous serons embarqués dans les quartiers populaires de Paris où les gangs d’apaches aux noms fleuris se livrent des guerres intestines tout en continuant leurs petites affaires louches. Mais l’autrice nous emmènera aussi dans les quartiers louches d’Ambremer, chose assez rare pour être soulignée. Anthelme sera aidé d’Hortence, une ancienne membre du gang Les Canailles de l’île, une jeune fille courageuse qui n’a pas la langue dans sa poche, et accessoirement une indic de Louis Griffont. Les deux personnages sont tellement à l’opposé l’un de l’autre que leur duo sort des cases : un policier qui travaille avec les gangs, on aura tout vu ! Ici, il sera question de trois enquêtes : retrouver le dossier de police et la lanterne magique d’Hortense, retrouver les ingrédients d’un anti-poison, retrouver l’auteur des meurtres associé à l’absinthe pourpre. La nouvelle est assez bien ficelée pour que les trois enquêtes s’entremêlent et qu’Anthelme se sorte grandi de l’histoire. J’ai beaucoup apprécié l’ambiance des bas quartiers qui se dégage de cette nouvelle. Cela montre les gangs sous un autre jour, et pas seulement ceux humains. Une enquête où police et gangs travaillent ensemble autour d’un trafic magique.

Pirouettes et fausse moustache, Caroline Schweighofer

Résumé : Dominique Maréchaux, journaliste culture à l’Excelsior, rend visite à son amie Eva, danseuse au cabaret L’Ecrin de Cristal. A la fin du numéro, elle la surprend à tenter d’ouvrir l’écrin magique du cabaret, puis à se lamenter que son petit-ami lui a demandé un service. Malgré elle, Dominique va mener l’enquête autour du mystérieux petit-ami et en apprendre davantage sur son amie Eva. En parallèle, un négociant d’art a été tué et une pièce à conviction importante volée à la police. Le cabaret va devenir par la suite le lieu d’une vente aux enchères des objets de la victime par son associé.

Mon avis : Ici, deux enquêtes qui ne semblent pas en être au premier abord, se développent autour du personnage de Dominique Maréchaux. Fille d’enquêtrice, elle cherche à faire ses preuves au journal malgré la misogynie des journalistes principaux, alors qu’elle est plus futée qu’eux. L’héroïne est retorse et utilise des stratagèmes élaborés pour parvenir à ses fins. L’idée du cabaret avec un écrin magique particulier est assez brillante et permet de se livrer à des premières déductions intéressantes. L’ensemblre de l’enquête s’y déroule, comme un huis-clos et permet de découvrir le monde de la nuit parisien. Le secret d’Eva est totalement inattendu ainsi que l’intervention des mages dans toute cette histoire. Cela m’a rappellé des expériences scientifiques contre-nature et un conte traditionnel fort connu. L’intervention de Griffont en fin d’histoire et l’épilogue avec la Baronne de Saint Gil viennent agréablement clore la nouvelle ainsi que le recueil. Encore une fois la police n’a pas sa place ici et seule la journaliste réussira à démêler l’affaire. Une enquête qui sort de l’ordinaire, teintée de féminisme et de contes, dans une ambiance de cabaret.

En conclusion : Un recueil de nouvelles policières steampunk équilibré au niveau des histoires, si l’on excepte celle de Pierre Pevel. Qu’ils soient journalistes, détectives privés ou journalistes, les enquêteurices m’ont fait plonger dans des enquêtes amusantes ou palpitantes et redécouvrir d’autres aspects du Paris des Merveilles. Et c’était fort agréable.

Pour découvrir d’autres lectures steampunk ou participer au Bingo à Vapeur toi aussi, consulte la rubrique Parlons Steampunk.

2 réflexions sur « Enquêteurs du Paris des Merveilles, Pierre Pevel, et alii, éditions Bragelonne. »

  1. Un beau moyen de se replonger dans cet univers que j’adore. Ta remarque sur l’égalité me semble importante alors merci de l’avoir précisé 🙂 J’y suis de plus en plus sensible…

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