Sur le principe des mini-chroniques en pagaille de Light and Smell, voici mon retour sur mes dernières lectures automnales. Plus étoffées qu’un simple commentaire, moins élaborées qu’une vraie chronique, parce que je n’ai pas le temps ou l’envie d’écrire une vraie chronique pour chacun des livres…

Le château des trompe-l’oeil, Christophe Bigot, éditions de La Martinière (roman adulte gothique)
Résumé : 1837, baie du Mont Saint-Michel. Le jeune Baptiste Rivière est convoqué au château d’Escreuil pour s’y faire dicter les dernières volontés de la propriétaire des lieux. Mais à son arrivée, le personnel se ligue pour lui interdire l’accès à sa chambre : Langlois, diabolique intendant du domaine, le vieux Simon, qui semble plus qu’un ordinaire jardinier, et même Séverine, la femme de chambre dont Baptiste cherche pourtant à se faire une alliée.
Pourquoi la baronne d’Escreuil se cache-t-elle ? Qui est vraiment cette ancienne comédienne, veuve d’un aristocrate guillotiné sous la Terreur ? Bravant les mises en garde, Baptiste s’aventure dans les plus sombres recoins du domaine. Mais les apparences sont trompeuses, et en cherchant la baronne, c’est sa propre vérité que Baptiste va devoir affronter.
Mon avis : Dès le début, je me suis trompée sur ce livre. J’ai cru qu’il s’agissait d’un roman jeunesse au vu de sa couverture et de son édition qui publie de la jeunesse. Or, il se situe dans la collection Rubis de Lamartinière, des romans aux intrigues originales mais destinés aux adultes. De ce fait, dès les premières pages mes attentes ont été biaisées. Cependant, ma déception s’est vue gommée dès les premières pages par une écriture très riche dans un style XIXème siècle tel qu’on n’en voit plus, entre Maupassant et Sand. L’histoire débute comme un conte gothique très mystérieux situé en Normandie dans un château lugubre. Tout est fait pour embrouiller sciemment le lecteur : le protagoniste, jeune clerc naïf, nous raconte son histoire à la première personne, en élaborant des hypothèses personnelles sur la Baronne d’Escreuil et son personnel. Lassé de ne pouvoir accéder à la propriétaire des lieux pour la mission qui lui a été confiée, il arpente la nuit le château afin d’en percer les secrets à ses risques et périls. Je m’attendais à une histoire de fantômes… j’ai été déçue sur ce point. Ici, il sera question plutôt de l’histoire des nobles pendant et après la Révolution française, ainsi que la vie des artistes pendant cette période. L’inventaire requis pour le testament et l’amour de l’Art du jeune Baptiste va nous plonger dans l’étude de plusieurs tableaux connus et on sent derrière, l’amour de l’auteur lui-même pour l’Art et la période révolutionnaire. J’ai apprécié le cours d’Histoire de la Révolution qui montre certains aspects peu reluisants des sans-culottes comme des nobles. Cependant, je n’ai pas aimé la manière dont est construit le récit : une première partie aborde l’arrivée et les questionnements de Baptiste sur le château et la propriétaire des lieux. L’ambiance est pleine de mystères et on cherche avec lui à découvrir la vérité. La deuxième partie prend des allures de conte des mille et une nuit où Baptiste en apprend plus sur la vie de la Baronne, ce qui donne lieu à un récit enchâssé qui rompt avec le dynamisme de la première partie. Cette partie semble plus longue alors qu’elle est racontée sur un rythme différent. Malgré les péripéties, on s’ennuie si on n’aime pas les cours d’Histoire, et j’ai failli sauter des pages. La troisième partie revient sur la temporalité du premier récit, et apporte une résolution pour Baptiste et la Baronne avec d’autres rebondissements. On ne peut pas dire que le récit manque de dynamisme, mais la partie centrale m’a beaucoup ennuyée et j’ai failli lâcher le livre à ce moment-là. Par ailleurs, pour un féru d’Histoire, il me semble que la lecture s’avèrera davantage intéressante car l’auteur fait mention de plusieurs figures historiques du monde du spectacle, et de l’aristocratie qui au premier abord semblent des personnages lambda pour un lecteur non averti. Que dire concernant la chute de cette histoire ? Je m’attendais clairement à autre chose mais le résumé tient ses promesses. Nous en apprenons davantage sur la Baronne et c’est un vrai roman d’apprentissage concernant Baptiste. J’ai été surprise par une scène de sexe dans la dernière partie que je n’avais pas vue venir du tout. Dans tous les cas, il est question d »interrogation sur l’identité sexuelle dans tout le récit, et d’apparences trompeuses. C’est là le coeur de l’histoire et en cela, le livre porte bien son titre. Je ressors de cette lecture mitigée car j’avais d’autres attentes, mais c’est une très bonne lecture dans un style qu’on ne trouve plus de nos jours. Laissez-vous tenter !

Ash House, Angharad Walker, éditions Casterman (Roman jeunesse horreur)
Résumé : C’est le lieu de la dernière chance pour Sol. Ici, on peut l’aider. Ici, on peut le sauver. D’ailleurs, tout le monde l’accueille très gentiment. Même s’il n’y a aucun adulte. Même si la maison semble faite de cendres et vivante à la fois. Tout semble si paisible jusqu’au jour où arrive enfin le Docteur. Lui aussi est chaleureux, si bienveillant. Mais les autres enfants commencent à se montrer nerveux. Ils chuchotent entre eux, se taisent quand Sol est là. Et surtout, ils évitent le Docteur. Comme si soudain, ils étaient terrifiés par cette merveilleuse personne…
Mon avis : Ce roman adolescent évoque l’histoire d’une secte ou la folie d’un personnage selon ce qu’on décide de croire à l’issue du récit. Ash House semble être le dernier recours pour Sol (contraction de Solitude). Ici, à son arrivée, il doit changer de nom (mais chose curieuse, ne se souvient plus de l’ancien). Il est accueilli par une communauté d’adolescents qui vivent selon des règles appelées Obligeances, et où chacun a une place et une mission précise. L’ensemble est régi par le Directeur que le groupe n’a plus revu depuis trois ans, mais qui les appelle tous les jours sur le téléphone de la maison pour donner ses instructions. Seulement l’arrivée de Sol va correspondre avec l’arrêt de ce lien avec le Directeur et ses questionnements sur l’organisation vont l’empêcher de s’intégrer. J’ai trouvé très brillant la manière dont cette secte est décrite, c’est-à-dire du point de vue des enfants qui y ont toujours vécu, avec leurs croyances, leur ignorance du monde extérieur et leur imagination. C’est le regard de Sol sur leur fonctionnement qui va leur faire prendre conscience de certaines incohérences, comme le fait qu’ils vivent dans une serre au lieu d’habiter dans la maison principale. Ou la présence de chiens entre cerbères et pumas qui gardent le domaine la nuit pour éviter toute fuite. Ou encore la disparition de l’une d’entre eux dans des circonstances mystérieuses, ou le fait qu’ils soient surveillés par des drones qu’ils appellent « oiseaux » et dont les enregistrements sont des « souvenirs ». L’arrivée du Docteur et la progressive descente aux enfers de Sol et du groupe provoque une déconstruction totale de l’organisation en place. Le rebondissement sur ce qu’est le Docteur m’a semblé tout aussi brillant qu’inattendu. Ce qui m’a déplu se situe dans la fin du récit : jusqu’au bout on ne sait pas si tout ceci était un rêve fou de Sol ou une réelle expérience traumatisante. L’auteur laisse le lecteur choisir sa vérité. Et si c’était une secte, ou une expérience scientifique, on ne sait pas comment vivent ceux qui s’en sont sortis. En résumé, malgré un univers très bien construit, je n’ai pas apprécié la chute de cette histoire. Sur le même sujet, je vous conseille plutôt Dans ce monde ou dans l’autre de Catherine Locandro qui traite des sectes et de la vie après-secte. Ou Les nocturnes de Tess Corsac où l’on est plutôt dans l’expérience scientifique.

Terreur à Smoke Hollow, Katherine Arden, éditions Pocket Jeunesse (Jeunesse, horreur)
Résumé : Depuis le décès de sa mère, Ollie, onze ans, trouve refuge dans la littérature. Jusqu’au jour où elle croise, près d’une rivière, une femme déterminée à se débarrasser d’un livre qu’elle prétend maudit. Le sang d’Ollie ne fait qu’un tour : pas question de la laisser commettre une telle barbarie ! Elle vole l’ouvrage et le dévore en une nuit. Il raconte l’histoire d’Elizabeth Morrison et de ses deux fils, Caleb et Jonathan, disparus après avoir passé un pacte avec un sinistre spectre souriant. Le lendemain, la jeune fille a la désagréable surprise de découvrir que la ferme que visite sa classe est celle où est enterrée Elizabeth…
Mon avis : Autant j’avais été très mitigée sur la trilogie de l’Hiver de la même autrice, au point que j’avais abandonné le premier tome en plein milieu. Autant, j’ai été fortement emballée par cette série destinée à la jeunesse qui flirte avec un fantastique digne de R.L.Stine. Dans ce premier tome, on découvre le personnage principal qui vient de perdre sa mère ainsi que tous ses repères. Elle vit son deuil en s’isolant des autres et en se réfugiant dans la littérature. C’est dans ce contexte qu’elle découvre un roman d’apparence banale qui va lui réserver bien des surprises. La visite de la ferme pédagogique avec sa classe va la propulser dans le rôle de sauveuse de sa classe malgré elle. Seuls deux autres élèves la suivront dans l’aventure et deviendront par la suite des amis inséparables. Cette première histoire évoque un pacte avec un démon aux allures changeantes, des épouvantails et beaucoup de fantômes liés à la ferme. L’ambiance est pesante, les héros évoluent sans cesse dans un brouillard où des épouvantails les attendent pour les piéger. Il faudra tout le courage d’Ollie et la perspicacité de ses nouveaux amis pour se sortir de cette situation. A côté de cela, le récit est parsemé de réflexions sur le deuil : Ollie et sa mère, mais aussi Caleb et son frère, Elizabeth et ses fils… La lecture est fluide et plaisante, et correspond aux codes du fantastique. Les personnages sont très travaillés : j’ai particulièrement apprécié le personnage de Coco, ancienne citadine venue habiter à la campagne mais qui n’arrive pas à s’intégrer; et de Brian, jeune joueur noir de baseball qui apprécie la littérature. L’amitié qui va lier le trio va permettre à Ollie de s’ouvrir aux autres et de faire son deuil mais aussi de faire évoluer ses amis. A noter que chaque tome de la série peut se lire indépendamment et correspond à une saison. On y retrouve à chaque fois le même méchant sous une autre apparence. Concernant celui-ci, c’est une très bonne entrée en matière, même s’il ne m’a pas fait beaucoup frissonner.

Frissons au Mont Hemlock, Katherine Arden, éditions Pocket Junior ( Fantastique jeunesse)
Résumé : Frissonnez de nouveau avec les héros de Terreur à Smoke Hollow !
Survivre aux terribles événements qui se sont déroulés à Smoke Hollow a rapproché Ollie, Brian et Coco, désormais inséparables. Arrivés pour un séjour de ski au Mont Hemlock, les trois amis comptent bien profiter de chaque instant ! Mais une tempête de neige les piège à l’hôtel. Sans aucun moyen de contacter l’extérieur, ils se laissent peu à peu gagner par la peur. D’autant qu’Ollie est persuadée d’entendre d’étranges bruits… et même de voir un fantôme ! Cette fillette qui la supplie de l’aider aurait été enfermée là et laissée pour morte. Une nouvelle fois entraîné dans les recoins sombres de l’horreur, le trio sortira-t-il indemne de cette rencontre surnaturelle ?
Mon avis : Suite directe de Terreur à Smoke Hollow, cette nouvelle aventure se situe cette fois-ci en hiver avec le retour du trio d’amis qui a gagné un séjour dans un hôtel enneigé. Cette fois-ci, j’ai vraiment frissonné car l’autrice a eu la bonne idée de couper du monde ses personnages grâce à une tempête de neige mais d’inclure aussi des fantômes assez flippants. Et pour cause : l’hôtel est un ancien orphelinat où ont eu lieu des maltraitances. Le fantôme de la Directrice arpente les couloirs pour enfermer les enfants dans les placards, les fantômes des enfants morts veulent endormir éternellement les héros pour apaiser la Directrice, les animaux empaillés sont vivants et surtout il règne un froid et une obscurité très déplaisants. Je me suis sincèrement demandée comment Ollie, Coco et Brian allaient s’en sortir. L’autrice sait bien décrire les atmosphères angoissantes et introduire des personnages surprises. Ici elle met en avant le personnage de Coco, pour changer de l’héroïne principale, afin de montrer son évolution et sa capacité à aider ses amis. Il sera aussi question de comment continuer à vivre après un deuil : le père d’Ollie semble apprécier la mère de Coco, mais les deux filles ne savent pas comment gérer la situation. La capacité des adultes à réfuter le surnaturel est absolument délicieuse et aide les enfants à trouver une solution par eux-mêmes face aux fantômes. En résumé, une nouvelle aventure palpitante qui m’a donnée bien des sueurs froides, à ne surtout pas lire pendant une tempête de neige ! A noter que si vous n’avez pas lu le tome 1, un rapide résumé par moments dans l’intrigue vous permet de resituer beaucoup de détails. Donc, il n’est pas nécessaire de lire le tome 1 pour découvrir cette aventure.

Debry, Cyrano et moi, Les coeurs de ferraille tome 1, Munuera et Beka, éditions Dupuis (BD jeunesse steampunk)
Résumé : Dans un monde rétrofuturiste où les humains vivent entourés de serviteurs robots, la jeune Iséa préfère se réfugier dans Cyrano de Bergerac, film conseillé par Tal, sa seule amie, qu’elle ne rencontre que par écran interposé. Mais le jour où Debry, sa robot-nounou adorée, est renvoyée par sa mère, le fragile équilibre de l’adolescente s’effondre. Coûte que coûte, Iséa décide de retrouver la seule personne qui lui ait jamais donné de l’amour, fût-elle un robot… Accompagnée par un camarade d’école, Tilio, elle va partir vers l’étrange ville de Tulpa… Conte à la toile de fond étonnante et au propos qui l’est tout autant, ce premier tome des Cœurs de Ferraille explore avec intelligence et délicatesse le rapport mère-fille dans ce qu’il a d’inné ou de construit, mais aussi parfois de toxique…
Mon avis : Une aventure steampunk dans une uchronie à la croisée de Tom Sawyer et des Quatre filles du Docteur March où la technologie aurait éclos plus tôt dans l’Histoire. L’action se situe dans une sorte d’Amérique profonde où les robots sont des domestiques qui s’occupent des champs, de garder les enfants, de traquer les criminels. Dans cette ambiance particulière où la technologie tranche avec la vie simple des habitants, Iséa se sent très seule : elle n’a pas d’amis en classe, sa seule amie vit loin et elle communique avec elle via internet, sa nounou-robot est la seule à lui apporter de l’affection là où sa mère est défaillante et absente. Le renvoi de sa nounou-robot va provoquer un bouleversement chez Iséa qui va fuguer pour empêcher la mise à jour de sa nounou et l’empêcher de l’oublier. En effet, chaque robot renvoyé est reformaté par la suite pour servir une nouvelle famille. Il oublie ainsi tout sentiment et souvenirs associés à son ancienne vie. Aidé d’un mystérieux réseau de protection des robots, Iséa va se lancer sur les traces de sa nounou. Elle trouvera sur le chemin nouvel ami et une vérité effroyable sur sa mère. Cette bd aborde de manière assez maligne l’esclavage des noirs en Amérique à travers les robots : Comme eux, ils sont exploités, traqués en cas de rébellion, protégés par un réseau d’aide humain et robots pour passer du Sud au Nord (comme pendant la Guerre de Sécession). Le fait que les personnages soient des robots apporte aussi une réflexion sur l’humanité des robots : sont-ils capables de sentiments comme les humains ? Peuvent-ils aimer ? Peuvent-ils vivre en harmonie et de manière indépendante des humains ? La découverte d’une ville secrète où robots et humains cohabitent renforce cette réflexion, tout en faisant encore écho à la liberté du peuple noir. L’autre questionnement soulevé par cette bd est l’amour maternel. Une mère peut-être ou doit-elle aimer son enfant ? Procréer relève-t-il de l’amour ou d’un autre besoin ? Un robot peut-il aimer une enfant comme une mère ? Enfin, l’isolement d’Iséa est-il lié au fait qu’elle ne fait rien pour s’intégrer ou parce qu’elle vit dans un monde rien qu’à elle ? En dehors de ces questionnements, les illustrations rendent hommage à cette Amérique rétrofuturiste qui oscille entre simplicité rurale et technologie. Le trait est doux même pour le dessin des robots. L’ambiance et les couleurs rappellent par moment La Ligue des Gentlemen extraordinaires surtout dans le personnage de la mère d’Iséa et du robot traqueur. L’histoire semble être un one-shot mais on peut deviner un tome 2 facilement. En bref, une bande dessinée jeunesse steampunk dont j’ai hâte de connaître la suite.
Certains de ces titres sont issus de mes pal d’Automne de Novembre, d’Octobre et de Septembre. N’hésite pas à les consulter si tu souhaites d’autres idées de lecture automnales.
Feuilles mortes et violons,
A.Chatterton.
Je note Le château des trompe-l’oeil qui me tente toujours autant ainsi que la série jeunesse de Katherine Arden qui, à l’inverse de toi et ayant adoré sa Trilogie d’une Nuit d’Hiver, me laisse assez songeur.
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Peut être qu’après lecture tu auras un avis différent du mien 😉
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J’ai eu un autre retour concernant « Le château des trompe-l’oeil » et c’est aussi mitigé que toi. Cela dit, il m’intrigue tout de même.
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La meilleure chose à faire c’est de le lire pour te faire ta propre idée. 😁
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