Convaincue par la plume de l’auteur depuis longtemps, j’ai dévoré avec gourmandise cette nouvelle qui se situe dans l’univers de son roman Un royaume de vent et de colères et se concentre sur le passé d’Axelle, la capitaine de la compagnie de mercenaires du Chariot. Entre jeux politiques et surnaturel, j’ai beaucoup apprécié de découvrir le passé de ce personnage qui mériterait un roman à elle toute seule.
Résumé : France, 1593. La chance a tourné pour Axelle, la capitaine de la compagnie du chariot. Elle et ses lansquenets sont retenus prisonniers dans les geôles du roi Henri IV. Axelle accepte alors une mission en échange de leur libération. La voilà partie pour Londres pour voler un objet à l’alchimiste de la reine d’Angleterre. Epaulée par sir Francis Drake, Axelle devra déjouer les machinations de ceux qui cherchent également à s’emparer du mystérieux « sceau de l’enfer ».
Mon avis :
Une nouvelle sous le signe de l’aventure
Cette nouvelle se situe avant Un Royaume de vent et de Colères et après La guerre des Trois rois écrits par l’auteur dans le même univers. On y découvre une compagnie affaiblie et sous les verrous qui ne doit son salut que dans la mission confiée à son capitaine : Axelle.
L’action nous porte jusqu’en Angleterre, dans les manigances politiques des français envers la couronne d’Angleterre. Le lecteur croisera de nombreuses figures historiques : Francis Drake, Christopher Marlowe, la reine Elisabeth 1er, John White. Il sera également question de John Dee , Thomas Cromwell et Henri VIII. On sent une recherche de l’auteur dans sa volonté d’enraciner son récit dans la réalité historique avec une description assez détaillée d’un Londres bouillonnant, des intrigues de cour et d’espionnage ou encore dans la manière de présenter ses personnages.
Il y sera à nouveau question d’Artbon, cette pierre magique qui recèle bien des pouvoirs et des secrets et surtout de ses origines. Ici Jean-Laurent Del Socorro tente d’introduire l’origine de cette pierre à travers le récit de survivants de la colonie de Roanoke, une colonie anglaise fondée historiquement en Virginie, Amérique du Nord. Le résultat reste tout aussi mystérieux car le lecteur ne découvrira encore pas assez d’éléments sur cette magie, mais il touchera du doigt les manigances de la Reine Elisabeth pour étendre son territoire et son manque de reconnaissance envers ses sujets.
Par ailleurs, le cambriolage ne se déroulera pas comme prévu : il ajoutera une touche d’épouvante au récit et un côté magie noire à la pierre possédée par l’astrologue et alchimiste John Dee. De quoi faire de beaux cauchemars !
L’auteur prend quelques libertés historiques en incluant avec finesse des femmes parmi les haut-gradés d’espionnage ou la garde rapprochée de dignitaires afin d’apporter un peu d’égalité scénaristique dans son récit. J’ai beaucoup apprécié ce trait, notamment avec le personnage d’Axelle qui est noire et capitaine d’une compagnie, et celui de Grainne, une capitaine irlandaise pirate de soixante ans (et toujours aussi féroce au combat). Il était temps qu’un peu d’inclusion arrive dans les récits de Fantasy historique !
La nouvelle est assez bien structurée et se lit aisément : on passe de l’aventure, aux scènes de combat, puis des manigances royales aux scènes d’épouvante. J’ai apprécié cet équilibre et surtout le fait que l’Histoire est vécue par les pions des puissants qui voient de leur côté comment se joue les arcanes du pouvoir.
Axelle, un personnage qui s’étoffe
J’ai eu plaisir à retrouver ce personnage brut de décoffrage, soucieuse de sa compagnie et surtout qui commence à s’interroger sur sa carrière. J’ai ri pendant les passages où elle explique qu’elle a le mal de mer ou qu’on sent que Francis Drake l’insupporte avec son bavardage incessant : Axelle aime la terre ferme et les taiseux, cela fait partie de son caractère.
Dans cette nouvelle, Axelle se voit forcée d’investir une mission dans un pays étranger dont elle parle heureusement la langue. Elle n’est pas présente de son plein gré mais semble apprécier quand même le voyage et l’aventure malgré le danger. Surtout, elle arrive à rester calme même dans une situation où n’importe qui pourrait paniquer.
En cela, on sent qu’elle n’est pas encore prête à décrocher de sa vie de mercenaire et de capitaine même si elle se surprend à penser devenir tenancière d’une auberge ou paysanne. Ironiquement, elle va tenir une auberge par la suite dans Un Royaume de vent et de colères. Ici, l’auteur introduit les prémisses de ce qui la fait basculer vers une carrière plus pacifiste : s’interroger sur le sens de son rôle de soldat et du pourquoi de ses missions pour les puissants.
J’ai beaucoup apprécié son côté malin et calculateur qui m’ont fait penser au Bâtard de Kosigan de Fabien Cerrutti : cette manière de taire certains secrets pour les garder comme monnaie d’échange ou pour avoir un coup d’avance dans le jeu de l’espionnage. Le fait de deviner les manigances de ses employeurs ou d’en sentir la présence lui permet de survivre contrairement à d’autres mercenaires moins malins.
Je pense relire la nouvelle Le vert est une couleur éternelle qui semble se situer après cette aventure et lire La guerre des Trois rois pour comprendre comment la compagnie s’est vue mettre aux fers !
Un scénario de jeu de rôle
Cette nouvelle n’est pas qu’une nouvelle : en fin d’ouvrage, l’auteur propose au lecteur de tenter une partie de jeu de rôle à partir de son histoire.
L’ouvrage est édité chez Didaskalie qui promeut justement le jeu de rôle. Ici, il est question de la vulgarisation du jeu de rôle autour de l’univers créé par l’auteur avec diverses fiches didactiques assez simples et bourrées de conseils.
On peut créer son personnage, tester des combats, et inventer son scénario à partir de la nouvelle qui laisse quelques pistes pour développer des idées, même pour un novice.
J’ai beaucoup apprécié cette initiative, moi qui suis novice dans le JDR. Cela m’a apporté beaucoup d’éléments pour m’amuser autour de cet univers que j’apprécie tant.
En conclusion : Jean-Laurent Del Socorro nous emmène dans une aventure londonienne passionnante et effrayante où il sera question d’intrigues politiques, d’introspection et de magie noire pour Axelle, une capitaine férue de danger et soucieuse des siens. Une histoire à lire pour en apprendre davantage sur le personnage issu d’un Royaume de vent et de Colères.
Une lecture qui s’inscrit dans ma PAL d’automne du mois d’Octobre 2022. N’hésite pas à aller jeter un coup d’oeil aux autres titres pour trouver des idées de lecture !
Comme toujours une chronique soignée. J’avais apprécié la lecture mais il m’a manqué un petit quelque chose par rapport à d’habitude. C’était sympa mais… 🤷 Je n’ai toutefois pas regretté mon achat et j’ai trouvé l’idée du jeu de rôle très sympa.
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