Et si le petit chaperon rouge allait voir le grand méchant loup en séance de psychanalyse ? Tel est le point de départ de cette uchronie mêlant cybernétique et mutants dans un Paris des années folles…
Résumé : Paris, 1925. La Grande Guerre a vu s’affronter des troupes d’un genre nouveau, nées de la folie des hommes. Des soldats cybernétiques français, conçus par Marie Curie, ont défait les Mutants, mi-hommes mi-animaux, de l’Allemagne. Amadeus Wolf, créateur du Mutagène, a fui un Berlin en pleine débâcle et s’est réfugié chez l’ennemi, à Paris, où, métamorphosé en homme-loup et sous un faux nom, il a ouvert un cabinet de psychanalyse. Il pense avoir réussi à disparaître, jusqu’au jour où une mystérieuse patiente, tout de rouge vêtue, vient ranimer d’anciens et douloureux souvenirs… Commence alors une course éperdue dans la capitale teintée de radium, pour Wolf qui, devenu proie, tente d’échapper à ses ennemis d’hier et d’aujourd’hui, aux ombres du passé et aux menaces de l’avenir, tout en cherchant, toujours, une inaccessible rédemption… Lupus in Fabula vous entraînera dans un Paris, éblouissant et irradié, où les contes de fées et le réel s’entremêlent, à la découverte du Gatsbypunk, le steampunk des Années folles !
Mon avis :
Un univers uchronique original
D’emblée Jérôme Akkouche nous plonge dans un Paris uchronique marqué par la Première Guerre Mondiale et ses conséquences. Et quelles conséquences !
A vouloir jouer les savants fous, chaque armée a développé son arme ultime : Cybernétiques d’un côté, Mutants de l’autre, qui se sont affrontés et doivent maintenant accepter leur nouvelle apparence une fois revenus à la vie civile.
Or, une ségrégation est latente parmi la population : D’un côté, les cybernétiques sont bien acceptés au vu de la part humaine qui est visible chez eux, à l’image des gueules cassées de la vraie Première Guerre Mondiale. De l’autre, les mutants suscitent du rejet et de la méfiance car il paraîtrait que leur part animale est difficilement contrôlable sans un sérum quotidien, déclenchant parfois des massacres involontaires.
Dans toute intrigue de ce genre, une cellule terroriste naît assez facilement. Ici, ce sera un front de libération des mutants dont l’objectif est d’être acceptés sans avoir besoin de réprimer leurs instincts. Cela occasionnera même des transformations volontaires associées au mutagène pour révéler leur part animale. Tout un programme !
C’est dans ces conditions qu’évolue Amadeus Wolf, le personnage principal, thérapeute pour cybernétiques et mutants. Lui-même mutant loup, il peine à museler sa part animale à l’aide de sérum et d’auto-hypnose, et cache surtout un lourd secret.
Au fil de l’histoire et de sa fuite, il nous emmènera dans un Paris festif mais où l’armée est toujours plus ou moins présente. Nous visiterons Montparnasse et ses troquets où Kiki fait toujours la bringue avec sa gouaille toute parisienne. Nous nous promènerons au cimetière du Père Lachaise, pour voler les vêtements d’un étudiant. Nous irons malgré nous dans un bordel tenu par des nazis. Nous visiterons les égouts accompagnés de sirènes mutantes. Enfin, nous ferons étape dans l’Opéra Garnier lors d’une soirée mémorable qui mettra tout le monde d’accord sur l’utilisation du Mutagène.
J’ai beaucoup apprécié dès les premières pages cette ambiance parisienne et surtout le fait d’être plongée directement dans les problèmes des mutants et des cybernétiques. Le fait de suivre pas à pas l’évolution de Wolf et ses problèmes liés au Mutagène permet de comprendre l’étendue des problèmes occasionnés par ce sérum : transformation involontaire, peur de tuer des gens en perdant son calme, discrimination quotidienne due à son apparence, ou encore crainte de finir capturé par l’armée pour des expériences pas très catholiques.
Un thriller façon réécriture de conte(s)
Au delà de cet univers particulier, l’auteur nous propose une intrigue façon thriller avec un suspense insoutenable. En effet, dès les premières pages, on comprend que Wolf a travaillé pour les allemands et qu’après la guerre, il s’est réfugié en France pour se recréer une vie sous une autre identité.
Le problème réside dans le fait qu’il est le seul à connaître la composition du Mutagène qui permet aux humains de se transformer en mutants. Et pour cause : il en est le créateur !
Malheureusement pour lui, cette formule très précieuse est convoitée par les services secrets français et allemands, ce qui va l’obliger à fuir dans la capitale.
Tout le roman est donc une fuite effrénée du loup pour esquiver autant les français que les allemands, avec des rebondissements assez nombreux et inattendus. J’avoue avoir eu des difficultés à lâcher ce livre tellement le suspense était incroyable : comment allait s’en sortir Wolf ? Son ancien amant était-il en vie ? Est-ce que le secret du Mutagène allait être dévoilé ?
La particularité de ce thriller, est que la plupart des personnages font référence à des contes assez connus à travers certains mutants et cybernétiques. On retrouvera ainsi les trois petits cochons devenus tortionnaires nazis, le petit chaperon rouge devenue espionne cybernétique au service des français, Hansel et Gretel des jumeaux scientifiques qui ont travaillé avec Wolf, un barman crapaud qui voulait se faire aussi gros qu’un boeuf, le joueur de flûte de Hamelin qui attire des cafards au lieu des rats, un bel au bois dormant…
Les clins d’oeils sont nombreux et assez amusants, se situant tantôt dans les titres de chapitre, tantôt au détour d’une page avec un personnage. J’avoue n’avoir peut-être pas tout reconnu mais certaines scènes valent le détour comme cette irruption dans un chambre de bordel où on ne sait pas trop ce qui se passe avec le petit chaperon rouge cybernétique qui se fait dépecer par un faux méchant loup armé d’un couteau…
Amadeus Wolf, un personnage complexe
Si le mutagène a transformé Amadeus Wolf en loup, ce n’est pas sans raison : c’est un loup dans l’âme. On s’aperçoit au fil de l’histoire qu’il ne sert que ses propres intérêts et ceux de la science. Jamais ceux de l’armée ou par pure bonté d’âme.
Il aime son apparence de loup qui le rend puissant aux yeux des autres et n’hésite pas à tenter des expériences sexuelles mutant/humain qui pourraient sembler contre-nature.
Pourtant, malgré un aspect soigné, un goût pour le luxe et une intelligence hors du commun, on peut que frémir lorsque l’on découvre les atrocités qu’il a pu commettre sous couvert de la découverte scientifique. Et l’on continue de frémir, lorsque acculé dans sa fuite, il en commet d’autres afin de s’en sortir. En ce sens, Wolf apparaît comme un nazi dans l’âme.
Pourtant, il a une faiblesse : un amour caché pour son assistant Hansel. Et c’est ce qui va le perdre au fur et à mesure de sa fuite. Il se sent coupable d’avoir entraîné Hansel dans ses expériences pour l’armée allemande, transformant le jeune homme en épave droguée jusqu’à la moelle. C’est grâce à Hansel qu’il trouvera une forme de rédemption. L’amour aide aux miracles…
Une réflexion sur l’évolution
Dans son roman, Jérôme Akkouche nous interroge via le biais de l’uchronie sur un univers où l’homme aurait plusieurs possibilités d’évoluer afin de devenir plus fort ou une meilleure version de soi-même.
Pourtant, ces transformations ne sont pas des plus réussies car une greffe mécanique ne remplace pas un membre fait de chair et de sang. Et une mutation en cafard n’est pas des plus avantageuses.
Il s’agira donc ici de nous montrer les conséquences d’une telle possibilité, avec ses bons et ses mauvais côtés. Par exemple, la part animale présente en chacun de nous sera différente et laissera émerger un mutant en lien avec son caractère. Et les cybernétiques entièrement transformés comme Ruby Reed semblent déconnectés de leurs émotions.
Dans tous les cas, on ne peut que s’interroger sur la part humaine de chacun ainsi transformé : les cybernétiques sont-ils devenus plus robots qu’humains ? les mutants sont-ils plus animaux qu’hommes ? Sont-ils tous encore capables de compassion envers leurs semblables ?
Une option supplémentaire s’ajoutera en fin de récit comme pour compenser les deux autres qui semblent imparfaites.
En conclusion : Lupus in Fabula est un thriller uchronique au rythme haletant qui m’a occasionné une belle nuit blanche. Entre Gatsypunk et réécriture de contes, Jérôme Akkouche nous propose un grand méchant loup complexe qui interroge notre rapport à l’humanité et son évolution. Une histoire de loup des temps modernes à découvrir sans plus attendre.
Je l’avais repéré pour sa couverture mais les atouts de ce roman ne semble pas se limiter à ça ! L’idée d’un thriller ayant des références aux contes me plaît beaucoup…
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Je n’étais pas trop hypée par cette lecture mais ta chronique me fait réenvisager les choses ! Peut être que je vais l’acheter finalement.
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Muahaha ! Le pouvoir de l’avis lecture v🤣
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Merci pour la découverte, ça donne envie de s’y plonger !
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De rien 😁
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