Dans le cadre du Ybyngo, j’ai découvert avec plaisir et effroi cette nouvelle policière fantastique qui aborde des sujets assez sensibles comme la pédophilie, la séquestration et le viol. Une plongée en enfer aussi fascinante que sensible…
Résumé : Policier mis à pied pour faute grave, Gordon est rappelé brutalement à son devoir : son supérieur vient de déposer un jeune témoin, Maximilien, devant la porte de son cottage écossais. Le corps du garçon et son air hagard attestent d’un passé de souffrances et de sévices.
Dans le silence imposé par le mutisme de son invité, l’ancien flic se fait spectateur de l’étrangeté grandissante de Maximilien. Pourtant, cette confrontation étouffante, au-delà des non-dits, les rapproche plus que de raison…
Mon avis :
Un huis-clos centré sur deux personnes meurtries
L’histoire se déroule en Ecosse dans un cottage défraîchi où Gordon vit désormais dans la solitude et la tristesse. L’arrivée de Maximilien va bouleverser son quotidien et réveiller peu à peu son humanité, voire sa sensibilité.
L’objectif de son chef est clair : Gordon doit amener le jeune garçon à témoigner de ce qu’il a vécu. Son histoire serait liée à l’affaire pour laquelle Gordon a été mis à pied.
Mais le garçon est muet, il parle avec les yeux et nécessite d’être apprivoisé. Il vient de passer des années auprès d’un pédophile qui a abusé de lui et l’a séquestré dans une cave sans nourriture ni possibilité de se laver. Maximilien ne sait qu’obéir, satisfaire. Il ne se comporte pas comme un garçon normal de son âge et sait que tout acte de bonté a un coût.
Gordon est désemparé face au garçon. Il le nourrit, le lave, lui offre un toit. Il lui parle sans obtenir de réponse, le repousse quand Maximilien essaie de le remercier de la seule façon qu’il connaisse…
Peu à peu, le cottage abandonné reprend vie avec ce nouveau duo improvisé, ces deux âmes qui n’aspirent qu’à guérir. Mais le temps presse et l’absence de témoignage met en danger l’enquête, obligeant Gordon et son supérieur à des mesures radicales qui ne sont pas appropriée à une victime de viol…
A travers cette histoire, l’auteure nous présente deux victimes liées au même meurtrier. Si l’un a tenté d’agir pour trouver la vérité, l’autre a tout subi jusqu’à sortir de lui-même pour oublier la souffrance. De manière assez juste, Livia nous met à la place de chacun, sans jugement, pour mieux comprendre les évènements, mais aussi les émotions qu’ont pu ressentir chacun des personnages face à cette histoire sordide qui semble plus compliquée que prévue.
Une enquête policière sordide
Dans cette enquête, il faut avoir le coeur bien accroché et heureusement qu’un trigger warning en début d’ouvrage vous explique ce que vous risquez de rencontrer : Viol, torture, pédophilie, Slut Shaming, homophobie…
Malgré l’avertissement, j’ai été choquée par certains passages de sévices décrits par l’auteure. Ils semblent très réalistes et vous attrapent au détour d’une page au moment où vous ne vous y attendez pas.
On croirait l’histoire tirée d’un fait divers et pourtant, elle s’avère plus complexe au fil des pages. Car ce qu’à subi Maximilien n’est que le début d’une longue suite d’évènements associée à un réseau de pédophiles, ou pire encore…
La description de ses blessures corporelles ou des souvenirs de son bourreau sont autant d’éléments qui ajoutent du sordide à l’enquête : qui est son « Maître »? quelles étaient ses motivations ? Comment quelqu’un comme lui peut exister ?
La chute de la nouvelle nous éclaire un peu sur la personnalité du bourreau, et les circonstances dans lesquelles Maximilien a été retrouvé. Elle apporte aussi une touche d’espoir dans sa relation homosexuelle avec Gordon qui semble panser les plaies du jeune garçon comme de l’homme mûr.
Une pointe de fantastique
Maximilien est étrange, malgré son statut de victime. Il semble contenir un certain pouvoir obscur inexpliqué. Des détails en apparence anodins que l’auteure distille dans le récit, semblent converger vers l’occulte.
La manière dont le garçon « témoigne » se rapproche énormément d’un rêve fantastique dangereux pour ses spectateurs. Dès lors, difficile d’apporter ce « témoignage » pour Gordon ou son chef sans passer pour des fous…
Des stratagèmes seront trouvés pour arrêter les tortionnaires mais le lecteur ressent quand même un certain malaise à l’avant-dernier chapitre quant à la personnalité réelle de Maximilien. Un rebondissement auquel je ne m’attendais pas du tout, et qui m’a bien choquée.
Car après la fin de l’enquête, l’histoire perdure, autour du jeune homme et de son bourreau, nous éclairant un peu plus sur leur relation et ce côté occulte qui semble coller à la peau du jeune homme. Je n’en dirai pas plus de peur de trop en dévoiler…
En conclusion : Sutures est une nouvelle policière fantastique autour de deux personnages en recherche de guérison : l’un suite à la perte de sa famille, l’autre suite à sa séquestration. Son auteure nous plonge dans les émotions de chacun avec une grande sensibilité, pour mieux nous faire comprendre leur expérience sordide. Une histoire qui conviendra autant aux fans de faits divers qu’aux amoureux des personnages complexes.