Miss Charity, Marie-Aude Murail, édition Ecole des Loisirs

Dernièrement, le roman Miss Charity de Marie-Aude Murail a été adapté en BD aux éditions Rue de Sèvres par les talentueux Loïc Clément et Anne Montel. Après lecture du premier tome de cette merveilleuse version, j’ai eu envie de découvrir le roman à l’origine de la BD. Voici mon retour sur ce pavé de 500 pages aux allures de biographie de Beatrix Potter…

Résumé : Charity est comme tous les enfants : débordante de curiosité. Mais voilà, une petite fille de la bonne société anglaise des années 1880, ça doit se taire et ne pas trop se montrer, sauf à l’église, à la rigueur. Pour ne pas devenir folle d’ennui, ou folle tout court, elle élève des souris dans la nursery, dresse un lapin, étudie des champignons au microscope, apprend Shakespeare par coeur avec l’espoir qu’un jour quelque chose va lui arriver…

Mon avis :

De l’éducation des petites filles à l’époque victorienne

Marie-Aude Murail nous emmène à la fin du XIXème siècle en Angleterre, dans une société où les riches prennent soin de leur patrimoine et surtout ne travaillent pas.

Dans ce contexte, nous faisons la connaissance de Charity Tilder, fille de bourgeois anglais, pas très jolie, plutôt curieuse et surtout aux passions tournées vers la nature qui la font passer pour une excentrique.

Or dans une société où les filles sont destinées à réaliser un bon mariage, étudier les animaux et la flore ne font pas partie des qualités nécessaires. Mais Charity chante mal, joue encore plus mal du piano et danse comme une patate. Autant dire que c’est mal parti pour elle.

Ajoutez à cela une mère envahissante, légèrement hypocondriaque et jalouse de ses amis et vous aurez une esquisse d’une enfance solitaire jusqu’à sa vie adulte, entourée seulement d’une petite ménagerie d’animaux mal en point et de domestiques.

Sa rencontre avec une préceptrice française qui va lui faire étudier l’aquarelle va changer son rapport au monde et lui ouvrir des portes qu’elle n’aurait jamais imaginées, bravant ainsi sa classe sociale et son statut de femme potiche imposé.

Charity va dévoiler une personnalité originale pour son époque, quoique à tendance neurasthénique et trop bien consciente de ses défauts. Elle incarne une forme de féminisme dans une société non-progressiste vis à vis du droit des femmes à travailler ou à disposer de leur argent sans tutelle masculine.

Au fil des pages, derrière les interrogations de son personnage, Marie-Aude Murail se permet une critique la société telle quelle était à cette époque avec le mépris des classes aisées pour tout ce qui se situe en dehors de la bienséance, le refus d’évoluer vers une classe de travailleurs jugée méprisable, l’obligation pour les jeunes filles de se marier par souci de préservation du patrimoine (et avant une date de péremption ! ), une vie difficile pour les domestiques dans ces familles et un souci de représentation permanent.

Ce roman n’est pas seulement le récit d’une jeune fille, c’est aussi l’histoire de l’évolution progressive de cette aristocratie figée dans le temps obligée d’évoluer pour survivre. Il se rapproche en cela de la série Downtown Abbey, située un peu plus tard dans le siècle.

Une ode à la nature et à Beatrix Potter

Il apparaît comme indéniable que l’auteure s’est inspirée de la vie de l’auteure pour la jeunesse Beatrix Potter pour écrire ce libre. Les similitudes sont trop importantes : Beatrix a vécu longtemps seule et célibataire dans la nursery familiale à Londres, réalisait de fréquents séjours dans la campagne anglaise, a réalisé les mêmes études sur les animaux et les champignons que Charity et connaît un destin similaire à notre héroïne.

D’autres auteures anglaises peuvent avoir influencé Marie-Aude Murail et se ressentent dans le roman : Jane Austen pour ses descriptions amusantes et critiques de la société, les soeurs Brontë pour la mise en avant de la nature. On sent également une touche de Comtesse de Ségur dans la description de la vie familiale et les visites aux cousins pendant les fêtes.

Mais ce n’est pas la seule source d’inspiration du roman : la nature y est extrêmement présente.

A la fois du point de vue scientifique à travers les expériences de Charity sur les escargots, l’élevage des souris et des lapins, son étude sur les champignons, exacerbés par sa passion pour l’aquarelle.

Mais aussi du point de vue bucolique, avec les descriptions de longues balades dans la campagne anglaise, et des propriétés de Bertram Manor et de Dingley Bell où se rend chaque été la famille de Charity. Là, son père passe son temps à la pêche à la mouche avec ses amis, tandis que Charity récupère de nouveaux spécimens ou se promène en calèche avec son âne. Des incursions en Ecosse auront lieu également avec des personnages hauts en couleur et des paysages tout aussi beaux (quoique pluvieux). On se rendra aussi au musée d’Histoire Naturelle de Londres, peu convenable pour une jeune fille de bonne famille.

Un joli moment de lecture si vous aimez la campagne anglaise autant que moi !

Quelques mots sur l’adaptation en BD

Pour adapter ce pavé de 500 pages, les éditions Rue de Sèvres ont pris le parti de découper en plusieurs tomes les aventures de Miss Charity en commençant par un premier volume intitulé L’enfance de l’art.

Ce que nous avons imaginé dans le roman, le dessin permet de le visualiser et joliment en plus ! On découvre une coup de crayon audacieux, des couleurs dignes d’une aquarelle et surtout une faune et une flore très détaillées dans un style purement anglais.

Sans réaliser de grosses ellipses du roman, la bande-dessinée retranscrit parfaitement les scènes de la vie quotidienne de Charity, entre ses parents aux préoccupations différentes, sa nurse écossaise complètement folle, ses expériences scientifiques, ses rencontres avec des cousins éloignés, ses virées à la campagne…tout en gardant l’humour et les aspects critiques présents dans le roman.

Certains événements restent à deviner à travers les dessins, comme la raison pour laquelle le personnage de Kenneth est souvent montré avec une tête de renard. C’est une des raisons qui m’ont poussée à lire le livre, mais surtout le fait d’avoir une seule partie de l’histoire. Ce premier tome s’achève en effet aux 15 ans de Charity alors que le roman raconte aussi sa vie d’adulte. Espérons que l’adaptation de la suite dans le deuxième volume soit de qualité identique !

La seule chose que je regrette entre la bd et le roman, reste la pauvreté de la couverture du roman (qui date quand même de 2008). Quand on compare avec celle de la BD, on se demande si les éditions de l’Ecole des loisirs vont enfin se décider à proposer une couverture de roman à la hauteur ! D’autant que la version italienne est beaucoup plus jolie. A méditer…

En conclusion : Miss Charity est un petit bijou de littérature jeunesse qui s’adresse autant aux adultes qu’aux enfants. Si vous aimez la nature, la société victorienne ou les aventures d’une petite fille fantasque qui s’invente un monde, ce roman est fait pour vous.

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